Le Raid28 porte bien son nom. C’est effectivement raide et on en parle 28 jours par mois. Pas autant que Papy Turoom qui est allé jusqu’à racoler activement un ingénu coureur Giffois sur son stand de l’UTMB, mais pas loin.
On rembobine. Fin Août, Chamonix, il fait encore beau. 30 stands présentant les plus belles courses du monde et de l’Eure et Loire. A 10m d’intervalle la Restonica Trail et le Raid28. Evidemment, je vais taper le carton sur les 2 stands et entendre les commentaires sur les mythiques Dawa Sherpa pour l’un et Atomik JF pour l’autre.
Comme argument imparable pour faire une grasse matinée le 3ème WE de Janvier je scotche Patrick : « j’ai déjà fait le Raid28 et je ne compte pas refaire deux fois la même course ». Mais le scotch ne tient pas, qui pourrait relever le défi de faire taire Patrick « pas de souci, on ne fait jamais deux fois la même course». Le ver est dans le fruit du loup dans la bergerie.
L’équipe N°2 se monte, Gilles a obtenu un prix en réservant ce N° pour les 25 prochaines éditions et laisse venir à lui les équipiers. Serein, le piège est posé, reste à attendre patiemment 4 volontaires dont au moins un de sexe féminin. Sinon il y aura toujours Fred & Fred pour compléter. Suffit de trouver un prétexte. Les 60 ans de Robert ? Banco, Fred & Fred rappliquent ainsi que Marc qui dégaine plus vite qu’Yves. On serait bien partis à 6, mais bon…
L’avantage de cette course, c’est sa préparation minimaliste. Une annonce sur Internet, un point de départ et roule ma poule. Sauf l’équipe 2. Là, Gilles veille au grain et distille un peu de méthode et de stress et l’on découvre notamment qu’on peut mémoriser sur Excel le contenu et le poids de son sac sur les 10 dernières éditions, les 20 tenues potentielles en fonction de tout et du reste. Le sérieux gagne l’équipe, Fred-e essaie des fringues le Mercredi soir, et je me surprends à accepter un contrôle de sac un soir d’avant course. Même si le contenu final respectera assez approximativement les engagements pris (faut laisser la place au foie gras et au pain tranché, tradition oblige), je nous trouve assez dociles. On a même droit à un concours de pieds pour voir qui a quoi où et comment il compte ne plus l’avoir quand. Enfin si ce que j’écris n’est pas clair, vous n’aviez qu’à venir.
Cette année, la température monte avec la pression d’avant course. Il va faire doux et sec. On devrait même annuler la course tant les conditions météo sont scandaleusement clémentes. Sauf que le terrain de jeu a été copieusement arrosé, les pieds souffriront comme à l’accoutumée. Ouf.
Le jeu du Raid28 fait rage pour livrer un indice aussi utile que d’équiper Fred&Fred-e d’une boussole. En parallèle, le Webmaster de la commune de Béville le Comte commet l’irréparable et annonce parmi les festivités de Janvier le départ du Raid28. L’équipe 2 à l’affut aura cette information deux jours avant les autres et tirera partie au maximum de ce scoop, c'est-à-dire rien.
Gilles plastifie quand même les cartes IGN du coin pour lester les sacs et me vante l’intérêt d’avoir plusieurs éditions de la même carte : je ne suis pas convaincu, mais demandez-lui un Dimanche.
Le seul vrai bon truc à faire, je vous le dis, ce serait de :
- mémoriser pour chaque balise la forme du poinçon l’année « A »
- reporter scrupuleusement ces séquences de trous sur les cartons à pointer l’année « A+1 » sans se prendre la tête à chercher les balises
- aller tout droit, si possible en voiture, d’un PC à l’autre l’année « A+1 » et gagner brillamment
- revendre à bon prix le concept à une équipe puis les dénoncer pour faire un scandale l’année « A+2 »
Mais il parait que c’est de la triche. Et la triche, comme le dopage, c’est mal. Surtout en fait quand on se fait choper. Sinon, moi je trouve ça plutôt drôle quand c'est bien fait. Par exemple des fois la balise a été enlevée, il devient extrêmement difficile d’expliquer comment on a pu trouilloter son carton. Là, c’est mal.
Autre possibilité à étudier : mettre des confettis partout près des balises, comme ça les autres ne les cherchent pas et ne les poinçonnent pas. Et nous, si. Faut passer dans les premières équipes et se trimbaler 10kg de confettis, mais ça peut être rigolo.
Mais je m’égare, revenons à la course. Béville le Conte, déjà en voiture par la route, c’est un peu loin de toute civilisation, mieux vaut avoir prévu le plein d’essence avant. Ca promet. Jetez les téléphones portables, c’est déjà ça en moins dans les sacs et de toute façon vous n’aurez pas de réseau. Arrivés au gymnase, On sert un paquet de louches, on croise des ex-coureurs goguenards qui sont allés planquer des balises, comme Broc & Schnoc mais qui finalement iraient bien les chercher avec nous et seront probablement sur l’édition 2012. Et … on attend de savoir ce que l’esprit tortueux de qui vous savez a pu manigancer.
Pan, c’est parti. Les capitaines doivent se mettre à poil, traverser tout le village en poussant une brouette de 120kg et revenir chercher leur carte. En raison d’une pénurie de brouettes, l’équipe Turoom s’est finalement rabattue sur une version édulcorée assez décevante : une fois pieds nus sur la ligne de départ, le top départ est donné et voilà les capitaines en train de se rechausser avant de pouvoir prétendre récupérer le roadbook. Nous on a la trouille que Gilles ne gamberge et décide in extremis de profiter de l'aubaine pour replonger dans son garde robe pour mettre la paire de chaussettes numéro 7, qui impliquerait de changer pour le collant 6 et la veste 12. D'ailleurs il semble cogiter sec puisque nous quitterons finalement le gymnase en avant dernière position.
Les équipes partent dans tous les sens et nous voilà bien vite esseulés, et hyper motivés pour faire des trous partout dans les cartons qu'on nous a donnés exprès. Il va morfler le carton, c’est moi qui vous le dis. Je transpire à grosses gouttes en attendant de pouvoir le martyriser. On sent un peu de tension, Marc et moi étant susceptibles de partir gambader devant à tout moment, Fred-e capable d'engager une interminable conversation téléphonique le tout sous la menace d'une erreur d'orientation fatale de Gilles. Une vraie équipe, quoi...
"Balise 2 au sud de la mare", sympa sauf que je ne sais ni où est la mare ni par quel bord on l'aborde. "500m, par l'Ouest". Là c'est clair et je fonce avant d'entendre un "Yves" synonyme de balise trouvée avant ladite mare. Un zeste de tension s'ensuit, quelques messages codés fusent et nous voilà repartis en bon ordre avec des arbitrages d'orientation qui nous font remonter pas mal de places. Tiens je ne vous parlerai même pas de la traversée de la Voise, un peu fraiche et un peu haute à cette période de l'année.
Nous voila dans la zone de truc à hauteur de la balise 12 au milieu d'une zone marécageuse. Il nous faut maintenant trouver la 13 et une "épave de camion" qui n'a pu arriver ici que par le ciel vu le paysage environnant. On tricote, on va au cap, on déplace de la boue, on se lave en traversant et retraversant le cour d'eau machin et un peu perdus comme quelques autres équipes, nous finissons par sortir de cette zone en rejoignant au cap une équipe entrevue au loin ... qui poinçonne la balise 12. Tout faux. On repart donc au cap, le bon cette fois-ci pour sortir de la merdasse et faire quelques trous harmonieux de plus dans le carton.
Retour sur le cour d'eau Machin de la zone Truc : de nuit un équipier qui n'oriente pas n'a pas la moindre idée d'où il est ni où il va. Son rôle est de ne pas se casser une patte avant la ligne d’arrivé, de ne pas prendre la tête à l’orienteur et d'attendre des heures meilleures, et pour le plus chanceux d'entre eux de perforer avec rage son carton quand l'occasion se présente. Touche-pas mon carton.
Le long passage sous l'autoroute peut se faire au sec, on en profite donc. Le temps est exceptionnel, je n'enfilerai ma micro-polaire qu'à 3h du matin, me contentant d'un tee-shirt jusque là. Il n'empêche qu'on se trempe les pieds dans l'eau régulièrement, ce qui finit par être usant.
Première CO après un passage sous l'autoroute au péage de Dourdan, enfin je crois. Ça a l'air vicieux, on laisse Robert et Gilles s'exciter et reporter ce qu'ils veulent sur la carte, chacun son boulot. On papote avec Marc et Fred-e jusqu'à ce qu'on plie le camp. Cette CO ne restera pas dans les mémoires de l'équipe 2, apparemment on n’a pas pris le truc par le bon bout et nous finirons par pointer une malheureuse balise, se promenant probablement au mauvais endroit au mauvais moment.
Balise 28 à un coude dans un champ, toujours au milieu de nulle part et un petit message d'encouragement accroché juste à coté par les bénévoles du JDM.
5h du mat j'ai des frissons,
Et on choisit le parcours long.
La suite découle de ce choix de stratégie : faut cravacher pour rester sur le parcours de base tout en respectant les barrières horaires. On méprisera donc les balises bleues, puis on finira même par faire l'impasse sur les vertes pour se focaliser sur les PC et ses poinçons roses.
Le parcours est superbe, la luminosité exceptionnelle, mais avec le lever du jour, on entend Marc commencer à couiner : mal aux pieds, avec une nuit passée à mariner dans son jus, cela ne pardonne pas. Pour le ménager, il faut le porter pour qu'il ne les remette plus dans l'eau.
Vu la météo des semaines passées et les vicieux qui ont tracé le parcours, on mesure vite la difficulté du challenge. Marc finira par s'arrêter au point de contrôle 14 environ, seule façon pour lui de garder des pieds à peu près présentables et pour nous de ne pas nous faire arrêter à la barrière horaire suivante.
Frustrant pour moi d'être parti avec un sac de 9,1kg, dont 350g de foie gras et autant de pain, foie que je laisse à Marc et qui sera finalement mangé une fois la ligne d'arrivée franchie.
Fred-e décide de poursuivre "parce que s'arrêter au bout de 75km ça fait un peu faignasse", je la cite. Mais à 4, la motivation baisse. Fred-e, c'était la moustache de Marc qui la faisait tenir, alors tandis que Gilles passe devant pour garder un semblant de rythme nous garantissant d'avoir une soupe encore chaude à l'arrivée, Fred-e rentre la tête dans les épaules et se met définitivement en queue de peloton.
Le PC 15 étant synonyme de dernière barrière, je pars devant pour qu'ils nous attendent. Fred-e s'y arrêtera.
Nous voilà à 3, direction la Madeleine, puis Rhodon, nous arrivons sur un chemin QUE ROBERT NE CONNAIT PAS. Retour sur St. Rémy, 5 équipes qui se suivent débouchent au fond d'un immense jardin. Le propriétaire nous fait de grands gestes de la fenêtre, et quand il sort de chez lui en nous traitant de tous les noms on constate que ce n'était pas des encouragements. Mais faire faire demi-tour à 20 coureurs ayant parcouru de 80 à 90km, c'est une cause perdue d'avance et nous escaladons avec grâce son mur d'enceinte. Un clin d’œil amical à l’équipe de Gometz et celle de JF que nous avons cotoyées sur cette fin de parcours.
Nous continuons à poinçonner gaiement et avec beaucoup de courtoisie « je t’en prie, passe devant, non non, après vous ». Où est l’esprit guerrier ? Je propose que le bonus de temps associé à chaque balise soit décrémenté au fur et à mesure qu’on la pointe. Il y aurait de belles empoignades pour passer devant et on se fendrait la pêche gentiment. Mais bon, chacun sait que Papy Turoom n’écoute pas toujours, voire toujours pas, on a une chance d’y échapper à l’avenir.
Passage à Aigrefoins, on croise un cavalier sur son canasson et le plus bourrin des deux était certainement celui du dessus au vu des commentaires ouverts et constructifs, hein Gilles ?
Reste à gagner le Moulon en longeant la maison de Super-Papy-Grincheux qui vient une nouvelle fois de couper sa haie pour bloquer le passage (avouez que cette description est super light, vu le nombre de personnes qu’il enquiquine à longueur d’année). Pas sûr que son cœur tienne après le passage de près de 200 coureurs en quelques heures. D’ailleurs le Raid28 passe-t-il vraiment là par hasard ?
Le GPS indique 96km, on arrive, je propose à Robert de faire un détour par le bassin des 12h pour passer la barre des 100 et Gilles beaucoup moins joueur (ça viendra avec l’âge) répond d'un "non" sans appel. Il y laissera d’ailleurs ses dernières forces.
Dans la Fac nous nous remaquillons, coiffons, défroissons nos tenues de gala pour passer la ligne d'arrivée à peu près présentables. Incontestablement à défaut d'être les premiers, nous sommes bien les plus beaux. Et encore, nous ne sommes que 3. Les amazones locales et autres groupies nous sautent dessus et nous offrent chaleureusement un bol de soupe. Comme le souligne Le P'tit Pois, avec le réchauffement de la planète, il va falloir penser au Gaspacho l'an prochain, d'autant plus que la course étant de plus en plus longue, on risque d'arriver au Printemps.
Message codé à l’attention de l'improbable équipe "NOBALIZ" bâtie dans un moment de folie lors des FMS : pour ma part, je n'ai pas abandonné l'idée. Comprenne qui peut.
Je finis la course en assez bon état, mais que dire de Robert levé Lundi matin à 4h et qui par mail nous informe "avoir une petite douleur à une main". Il commence à flancher le Robert, c’est assez net.
Cela va sans dire, mais encore mieux en le disant, un grand grand merci à toute l'équipe Turoom.
Fred.